Accueil /// Histoire & Patrimoine /// Personnages célèbres /// Héros du quotidien /// L’accueil des réfugiés espagnols
- Rue du port un jour de marché à Pont-Aven
- Rue du port un jour de marché à Pont-Aven
L’accueil des réfugiés espagnols
L’accueil des réfugiés espagnols
Après la victoire de Franco sur l’Ebre fin 1938, la France reçut un très grand nombre de réfugiés. Ils n’étaient malheureusement pas les premiers. Déjà en 1937, des réfugiés ayant quitté Bilbao par bateaux, ceux-ci avaient été protégés par des bateaux de la marine nationale l’Emile Bertin, le Terrible, le Fantasque. Un bateau de la ligne transatlantique espagnole débarquera 2273 enfants (2483 passagers au total !) à La Pallice, le centre de colonies de vacances de Poulgoazec recevra 383 d’entre eux. (réf : il y a 60 ans les réfugiés espagnols en Finistère – Bibliothèque municipale de Quimper).
Les réfugiés arrivent sur nos côtes
De nombreux petits bateaux arriveront dans les petits ports bretons. A Kerdruc arriveront quatre bateaux. M. Yves Tocquet se souvient de deux yachts occupés par deux femmes qui se replieront ensuite à Quimperlé, d’un bateau en bois de la marine espagnole qui restera pourrir dans la vasière, d’un bateau en fer occupé par des hommes. Certains s’établiront dans la région.
En février 1939, la Catalogne passe sous la férule de Franco et 4000 républicains arrivent dans le Finistère, surtout des vieilles personnes, des femmes et des enfants.
Margarita, réfugiée à Pont-Aven
Après la victoire des nationalistes sur l’Ebre, la famille de Margarita quitte Barcelone en quelques heures. Le frère de son père étant très impliqué politiquement, elle a peur des représailles. La famille ramasse quelques vêtements, la grande sœur prend en charge les plus jeunes et surtout songe à prendre une casserole, bien précieux qui leur permettra de préparer quelques aliments chauds. Ils abandonnent la petite entreprise de transport du père et l’atelier de couture de la mère qui employait sept personnes pour la fabrication de lingerie destinée à un magasin allemand mais surtout la maman est complètement désemparée car elle laisse derrière elle un fils de 18 ans, blessé pendant la bataille de l’Ebre, intransportable. Bien qu’étant enrôlé dans les forces nationalistes, il croupira cinq ans dans les geôles franquistes à cause de sa famille exilée en France ; il sera libéré sur l’intervention d’un aumônier. Il restera en Espagne.
Arrivés en France, les hommes seront gardés au camp d’Argelès tandis que femmes et enfants reprendront la route et un contingent arrivera dans le Finistère. La Préfecture de Quimper répartit ces réfugiés dans plusieurs communes. Pont-Aven reçoit donc un groupe de femmes et d’enfants. La municipalité n’avait rien prévu pour garnir les pièces vides de la mairie où ils devaient être hébergés. M. Le Recteur Tanguy suggérera de faire appel à la population pour équiper les familles. La population ne fera pas défaut. Aucune trace de cette installation sur les registres du Conseil Municipal, seulement, quelques semaines plus tard, l’épicier M. Tessier fait remarquer qu’il lui est impossible de nourrir les réfugiés pour les 10 francs et 8 francs accordés par le préfet et demande 12 francs par adulte et enfant de plus de 12ans, 10 francs pour les enfants de 6 à 12ans, 8 francs pour les plus jeunes. La commune accorde 1710 francs supplémentaires pour 45 jours d’hébergement.
La famille Montané, la maman, la sœur aîné Rosita, les frères Ernesto 17 ans et Rosario 10 ans, Margarita 5 ans, passeront onze mois à Pont-Aven. Pour survivre, certaines femmes fabriquent des soutiens gorges au crochet, plusieurs pontavénistes se souviennent d’achats auprès de femmes espagnoles. Margarita fréquente l’école Saint Guénolé et non l’école publique comme on aurait pu l’attendre de réfugiés républicains. Cette petite fille devient la « mascotte » de Pont-Aven. Comment résister au charme de ce bout de chou toujours de bonne humeur qui commence à parler français, chante dans les deux langues, danse. Melles Françoise Madec et Antoinette Hémon seront comme proches voisines les premières à y succomber ; elles lui corrigent ses fautes et la gâtent.
Chaque dimanche M. Le Recteur Tanguy, à la messe, au moment de son homélie, dit quelques mots en espagnol à l’intention de ses ouailles étrangères, ceci au grand dam de certains paroissiens qui ne comprennent pas cette attention vis-à-vis de Républicains dont les armées se vengeraient sur le clergé espagnol, soutien des nationalistes.
Puis la guerre est déclarée, c’est l’invasion allemande. Ordre est donné par la Préfecture de regrouper ces antifascistes dans un camp à Douarnenez. Pendant deux mois, toutes ces familles souffriront. « Quand je suis sortie de Douarnenez, j’avais les jambes comme deux allumettes » dit Margarita. Entre temps, leur père avait eu de leurs nouvelles par une autre réfugiée à Pont-Aven qui avait écrit à un de ses amis du camp de Bram. Et c’est grâce au maire de Noé qui leur paya le voyage et leur fournit les papiers qu’elles purent ainsi le rejoindre. Françoise Madec et Madeleine Guillerm, sous prétexte de les emmener à la messe purent ainsi les faire sortie du camp et les accompagner à la gare. Il était temps car trois jours plus tard les allemands prenaient le contrôle du camp de Douarnenez. Mme Le Pautremat, fille de Mme Guillerm, ignorait cette démarche de sa mère et de sa tante. D’après Margarita, près de 90% des réfugiés de ce camp ont péri dans des camps d’extermination en Allemagne. Soixante ans après Margarita est revenu à Pont-Aven dire merci à ces Pontavénistes.
Fin « heureuse »
« Ma mère avait toujours désiré revenir à Pont-Aven mais la vie a été dure pour elle et elle n’a jamais pu réaliser son souhait. Elle parlait toujours de Pont-Aven et de l’accueil de la population. Quant à moi, mon enfance c’est Pont-Aven et non Barcelone. » Et d’égrener des tas de souvenirs. Margarita est intarissable sur ces onze mois à Pont-Aven. Elle-même attendra d’avoir élevé ses six enfants avant de réaliser un de se grands désirs, revenir et peut-être retrouver quelques témoins de son histoire. Toute la famille restera en France dans la région de Toulouse car après le camp de Noé, le père partira pour le Pas-de-Calais dans le cadre du S.T.O. Après la guerre, ses parents travailleront dans une exploitation agricole, le père comme ouvrier, la mère comme couturière. Puis ils prendront une petite ferme à leur compte, la vie sera encore très dure.
D’après un article paru dans « Bulletin trimestriel municipal », n° 16, premier trimestre 2000, écrit par F. Rivet-Daoudal.